Robert Combas en noir et blanc

Warren Levy art - Robert Combas en noir et blanc

Warren Levy art - Robert Combas en noir et blanc : quand la couleur se tait, le cri persiste

Figure majeure de la figuration libre, Robert Combas est communément associé à une explosion de couleurs et de formes dans un foisonnement baroque et jubilatoire. Pourtant, à plusieurs reprises dans sa carrière, il amorce un virage inattendu vers le noir et blanc. Cette série monochrome, amorcée principalement dans les années 2000, constitue une parenthèse radicale dans son œuvre. Loin d’un simple exercice de style, elle répond à une volonté délibérée d’épuration, de recentrage sur l’essentiel du geste pictural. Combas parle alors d’une nécessité intérieure, presque cathartique, de “laisser parler le dessin” sans la médiation de la couleur, qui peut parfois adoucir ou distraire.

Une écriture graphique à nu

Privé de sa palette chromatique foisonnante, Combas déploie une puissance de trait qui frappe par sa densité. Les figures, souvent grotesques ou tourmentées, se heurtent dans un maelström visuel saturé de lignes nerveuses. L’artiste pousse le contraste au maximum : le noir profond absorbe la lumière, tandis que le blanc éclaire les tensions. Cette approche radicale rappelle le dessin automatique ou certaines œuvres de Jean Dubuffet, mais toujours dans le langage si singulier de Combas, fait d’une violence rythmique et d’une narration quasi hallucinée. La composition, pourtant chaotique en apparence, obéit à une logique d’équilibre interne, nourrie par des références mythologiques, populaires ou personnelles.

Une symbolique du dépouillement

Dans cette série, le noir et blanc devient une posture. Plus qu’un choix esthétique, il s’agit d’un manifeste. Ce dépouillement suggère un retour aux fondamentaux : le trait, le rythme, l’émotion brute. En éliminant la couleur, Combas expose le nerf de son art — sa capacité à dire sans fard, à “crier” avec la seule ligne. Ce dépouillement rappelle certaines pratiques orientales du sumi-e, mais avec une charge expressive occidentale, presque punk. Le noir n’est pas ici le deuil, mais une intensité. Le blanc, quant à lui, n’est pas silence, mais résonance.

Une réception contrastée

La série en noir et blanc de Combas a suscité des réactions partagées. Si certains critiques y ont vu une forme de maturité artistique, d’autres ont été déstabilisés par cette mise à nu, interprétée comme une perte de vitalité. Pour les collectionneurs éclairés, ces œuvres apparaissent aujourd’hui comme des pièces rares, témoins d’une introspection intense. Elles sont aussi perçues comme un contrepoint nécessaire à l’exubérance habituelle de l’artiste, une zone de tension productive.

Une résonance avec son univers musical et poétique

Combas n’est pas seulement peintre ; il est aussi musicien, notamment avec le groupe Les Sans Pattes, où il mêle punk, poésie brute et performance. Cette série en noir et blanc trouve un écho dans cet univers sonore : même rage, même immédiateté, même refus de l’ornement. Son écriture poétique, souvent spontanée, procède du même élan vital : il s’agit de dire, sans filtre. Le noir et blanc devient ici non seulement un code visuel, mais un écho de sa pratique globale, transversale, où les médiums se nourrissent mutuellement.